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Format
original : 310 x 180 cm -
Définition 300 dpi
A propos de cette image :
Je dis : un arbre ! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque
chose d'autre que les souches sues, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente
de toute forêt. (Variations sur Stéphane Mallarmé)
Photographie panoramique par assemblage
:
Le paysage devait se vêtir d'une
apparence baroque, exubérante, dans une explosion de couleurs. Le sujet
s'y prêtait parfaitement, non pas la souche aux effets dramatiques
soulignés par un contraste excessif, mais les matières multiples et
foisonnantes dans l'écrin du paysage, avec cette lumière si particulière
quand tout est recouvert de givre.
Comme il s'agit d'un grand panoramique où se côtoient le contre jour
et le plein jour, il faut s'accorder à construire un espace lumineux
cohérent avec des passages harmonieux pour accueillir tous ces différents
effets. Avec une lumière d'hiver rasante, la composition est aussi
confrontée à un champ étendu de zones peu éclairées. Pour y remédier
il est nécessaire de réaliser plusieurs séries de prises de vues de
la même scène, à des moments différents, en étant patient et en
gardant bien sûr précieusement le même point de vue.
Premier état :
D'une
série à l'autre la lumière change, déplaçant les zones d'ombre. Par
la suite, dans l'assemblage de ces événements, en opérant la synthèse
d'une durée abstraite, on peut choisir pour chaque endroit de l'image
la lumière la plus appropriée.
Construire
ainsi un espace photographique imaginaire. Encore que, à notre époque,
le terme *imaginaire* joue avec la réalité... En effet, Les progrès
techniques permettent de restituer un espace panoramique tout à fait
cohérent où se côtoient les pleins jours et les contre jours, chose
impossible à voir normalement, mais aussi de fabriquer des images
temporelles. Cela ouvre la porte à un nouveau langage pictural où
l'objectivité de la photographie perd son sens. Je rapprocherais cela
du soi-disant réalisme des peintres académiques du XIXème siècle,
battu en brèche par les impressionnistes, qui ont su étendre leur
palette en restituant les couleurs *invisibles*, par exemple le violet
et le mauve dans les ombres.
Finalement, objective ou pas, d'une objectivité imaginaire, cette souche "absente de
toute forêt"
a été photographiée...
Note sur les Chablis :
On photographie bien ce que l'on connaît. Quand j'ai découvert les
chablis, c'est le nom que donnent les bûcherons aux arbres déracinés,
au début je ne m'en préoccupais pas, ils étaient juste des axes de
composition dans le paysage. Puis, à mesure que j'en trouvais d'autres
et que je revenais sur le terrain les photographier, les voir évoluer
dans le temps, je compris qu'ils n'étaient pas simplement des objets
inertes.
Ils
ne sont pas non plus impassibles... De leur naissance, quand ils
arrivent immenses et encore recouverts d'un placenta de terre, à leur
quasi-disparition sous forme de tumulus - ils sont à eux même leur
propre tombe - ils ne restent pas indifférents à la lumière, aux
saisons. Je photographiais leur lente métamorphose, et après en avoir
fait plusieurs versions selon différents angles ou situations, je
discernais dans leur image des allures de plus en plus vives. Comme si
ils étaient venus là, me découvrir. Cette projection n'est pas due au
hasard, c'est une expérience, qui pourtant n'a rien de mystique. Elle
montre seulement que la photographie est un outil de création
formidable. Tout ce que l'on désire devient visible.
Pour
parfaire la vision de ces êtres en apparence immuables, je sais que
certains des plus beaux sont aussi les plus éphémères. En effet, après
que l'arbre a versé lors d'une tempête ou du fait de sa trop grande
vieillesse, les bûcherons économes arrivent bientôt et récupèrent
le tronc en le sciant à la base. Du coup la souche bascule à nouveau,
mais en sens inverse, et retrouve ainsi le trou de ses origines. Il n'y
a presque pas eu de naissance, c'est comme si le chablis n'avait jamais
existé, il s'est révélé juste à l'instant de la photographie.
albert
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