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           Format original : 210 x 140 cm - Définition 400 dpi

    A propos de cette image :

    Que devient la photographie aujourd'hui ?

    La particularité de cette photographie est de donner la vision d'un panorama qui en apparence n'a rien de panoramique, or le champ de l'image est considérable, il couvre 300 degrés en largeur et 135 degrés en hauteur.

    La représentation d'un tel espace, outre son amplitude, s'accompagne d'une définition exceptionnelle pour un tirage dépassant les 2 mètres, et nous donne l'impression que se rejoignent le macrocosme et le microcosme.

    Dans ce contexte, que le sujet soit un tas de cailloux ou le grand Canyon, c'est dans la photographie son système de représentation qui devient à lui seul le véritable sujet. 

    Pour cette image, malheureusement la version Open-zoom qui permet de zoomer sans perte a été réduite des 2/3 et optimisée en compression pour un affichage plus rapide. Bien entendu la réduction et la compression JPG avalent une grande partie des détails, ce n'est qu'une indication.

     Passé l'aspect technique je pourrais en raconter pendant des heures sur cette image, vu le temps que j'ai travaillé dessus, et les nombreuses découvertes que cela a occasionné.

    C'est un assemblage où je me suis efforcé de faire de la mécanique photographique, c'est à dire du RAW, du bracket et du stack pour les zones le nécessitant. Le bracket n'étant pas dans le but de produire du HDR dont je n'aime pas le principe et l'artifice (quelle cuisine !), mais seulement pour choisir la meilleure exposition et parfois pour déboucher des ombres irrécupérables normalement. Bien entendu toute la prise de vue se fait en Manuel, y compris pour la mise au point qui est optimisée pour chaque vue.

    Avec un tel enrichissement de la photographie, on passe comme qui dirait dans une autre dimension. D'autant plus qu'il s'agit encore d'un assemblage conséquent : 75 vues (pour le fond). La contrepartie est que le logiciel d'assemblage trouve ses limites et qu'il faut finir beaucoup de choses à la main. Un temps de travail important augmenté par la difficulté d'harmoniser autant de détails, de variétés de teintes et de lumières dans le même espace photographique.

    Mais cela en valait la peine. Il y avait cette grosse masse de terre, de roches, de racines et de végétation, qui dans leur exubérance en deviennent quasi abstraits, on a tout loisir d'y découvrir un monde de formes où notre imagination nous entraîne. Le sol à découvert était aussi très surprenant, un mélange de pierres, de galets, de marnes et de tourbes de diverses couleurs, dont certaines étaient enchâssées de particules scintillantes (hypallage) comme du mica ou du quartz. Malheureusement je n'avais pas sur moi le filtre Cokin qui va bien. Vous savez, celui qui fait briller les écailles de Dédé la Sardine... Vous comprenez alors mon enthousiasme à vouloir rassembler tout cela en une seule image.

    Les conditions de post-production sont assez particulières, avec des allez et retours incessants pour travailler dans les détails et essayer d'en juger les effets sur l'ensemble de l'image. Dans la vue globale la réduction sur l'écran fausse la vision que l'on a en agrandissant, un peu comme la réduction d'un dessin en imprimerie va en épaissir le trait. Pareil pour les teintes ainsi que les masses d'ombre et de lumière. Il faut donc extrapoler constamment. C'est le principal problème pour ces photographies de haute définition qui ne sont décidément pas faites pour l'écran. Par exemple, j'ai eu beaucoup de mal à traiter les nuances subtiles dans les ocres ainsi que les couleurs très particulières du grès rose des Vosges. Dans la réduction sur écran elles disparaissent complètement et donnent l'impression d'une vieille putain trop fardée. Je soupçonne aussi que le logiciel d'assemblage avec son "mélangeur de couleur et anti-fantôme" (Smartblend), massacre un peu tout ça. Il faut donc repartir des RAW pour certaines zones critiques, ce qui devient vite infernal. Pour autant je ne pourrai prévoir exactement le résultat et je vais être obligé d'en faire un premier tirage quelque peu réduit pour juger des ultimes corrections à apporter.

    En conclusion, que devient la photographie dans ce domaine des grandes images que nous a apporté la technique numérique ? Un monde à explorer qui a l'air si vaste que dans le temps de l'instant décisif il semble s'allonger indéfiniment ? Je pense que l'important n'est pas dans la technique ni dans la quantité de pixels, qui seront tôt ou tard dépassés, sans pour autant donner une meilleure photographie. Si on s'arrête au quantitatif il suffit de prendre un abonnement au site gigapixel.com, quelle misère ! Dans la technique, cette plaie du siècle, on doit toujours pouvoir se satisfaire des compromis. Le travail devrait se résumer simplement à la capacité de faire coïncider sa vision avec ce qui apparaîtra dans la photographie, celle-ci étant sans limites et restreinte seulement par notre imagination (encore un hypallage ?). Autant dire qu'on a intérêt à bien la connaître, ainsi on pourra produire des images justes et juste des images.

    albert

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