Qui n'existe pas - août 2020

   Qui n'existe pas

Mais moins qu'une négation, un non-lieu, c'est un non lieu. Une non existence, c'est une existence qui n'existe pas. Ou une conscience inconsciente d'elle-même, une présence. On dit une présence au monde, mais des deux le.laquelle est le.la plus présent.e ? Aucune, les deux forment la présence. 

Texte en cours. Je le mets ici, cela m'aide plutôt que le laisser dans l'éditeur. Il aura une couleur différente. Ses éléments très volatiles dans l'éditeur semblent immobiles là-bas sur le site. Vola-t-il, comme les nuages à l'horizon qui viennent avec le vent, de plus en plus grands et finalement au dessus de moi perdant leurs formes. Ainsi, dès les premières phrases, je me rends compte que je n'ai pas  cerné la pensée de Hölderlin. Le "là-bas" peut être en moi, aussi.

"Ce que ici nous sommes un dieu là-bas peut le parfaire" Hölderlin. Il en découle ceci : Ce que ici nous ne sommes pas un dieu là-bas ne pourra le parfaire. C'est cette idée là, à partir d'une négation, que je retiens, idée qui m'est venu à l'esprit au moment des prises de vues pour cette image. D'ailleurs elle dirige bon nombre de mes photographies. J'en viens à penser que toutes mes photographies racontent la même chose, depuis longtemps. Cette chose est le libre-arbitre, c'est aussi la disparition. Et toujours dans la photographie, la réapparition, autrement.

Je dis bien que, la chose est la disparition. Le autrement, ne serait qu'une des modalités du processus photographique qui commence à la prise de vues et s'accomplit par la vue que j'ai sur cette chose dans l'image. Qu'une disparition puisse réapparaître, tout en gardant sa nature, voilà qui est surprenant ! Que devient le dieu de Hölderlin ? Il a été mis très loin là-bas à distance. Il n'y a plus que moi ici, qui n'est pas. Je disparais dans la photographie, ce qu'elle montre. 

Ce développement interne à la photographie échappe à l'influence d'une référence eidétique lointaine induisant la possibilité d'une authenticité.

C'est un discours philosophique. Il rappelle qu'il n'y a pas de dieu ici ou là-bas, qu'il n'y a pas de perfection en ce bas monde, que malgré tout si on recherche une authenticité quelconque même sans dieu, cette recherche risque d'être vaine. Je ne prendrai pas ce risque. Et pas non plus le risque de philosopher en dehors du contexte d'une simple photographie. Ou plutôt si, je vais intercaler ou mélanger plusieurs discours. Celui d'une pensée réflexive, critique, dans le domaine des concepts. Une pensée déboulant directement de mon intuition, enclenchant les mécanismes de production de la photographie, et en retour à sa vue, se transformant à nouveau, devenant autre. Enfin, une pensée strictement technique, comme le géomètre arpente et valide l'espace alloué pour une photographie.

Différents domaines pour la pensée, différents domaines pour la photographie. Une arborescence de propriétés qui s'interpénètrent, dialoguant dans l'intervalle des frontières, fermées ou ouvertes par les questions.

La question sur l'authenticité s'impose. Celle-ci consolide les frontières mais le lait de son ciment les fragilise. Toutefois, dans mon geste de photographe la question ne m'a jamais préoccupé. Après, je pense qu'il n'y a dans la photographie nulle part de l'authenticité. Son domaine ne s'arrête pas à ces frontières qui engagent des intérêts autre que ceux qui la font fructifier.

Cette généralisation est critiquable. Il y a assurément d'autres domaines que j'ignore, où on peut trouver des photographies authentiques. Je suis bien d'accord, mais avec ceux qu'on m'a déjà montré je suis critique à mon tour. Je constate que leurs frontières n'ont pas été définies avec exactitude. On va me répondre que la photographie n'est pas une science. On a donc recours à la philosophie pour l'expliquer. Dans la philosophie le terme d'exactitude doit être remplacé, non pas par celui de vérité car il faut rester honnête avec ce que l'on dit, mais au moins par celui d'authenticité. Or le concept reste lui même théorique et incertain, l'appliquer au cas particulier de la photographie lui conservera son incertitude. Il est pratique pour dénoncer les procédés et leurs résultats, les photographies inauthentiques. Quant aux processus photographiques, du fait de leur variétés et de la difficulté à en dégager un principe fondateur, la question d'une authenticité propre et originelle du principe est plus vaste. Elle demande à faire des choix, philosophiques, esthétiques, ou autres. Au sein d'un processus particulier le champ de la question sera tout aussi étendu. A quoi attribuer la qualité d'authenticité ? Faut-il privilégier l'acte lui même, les références historiques, les certitudes scientifiques du système optique, algorithmique, ou encore leur résultat en une image, ou plusieurs ? Quand le processus est vraiment original, le problème serait plus vite réglé. On l'assimile à un procédé contingent, plus facilement délimité. On en dénonce la pensée narcissique circulant sur elle même, en oubliant qu'elle serait concomitante d'un principe photographique qui l'aurait vu naître et dont on ne se souciera pas. D'ailleurs le "on" ne concerne pas tant le théoricien qui serait très heureux de voir la photographie s'enrichir de nouveaux principes, mais le photographe auteur qui rajoute à la contingence les valeurs de son temps.

La question de l'authenticité est relative. Si on se tourne vers l'authentique seul, on arrive finalement à une tautologie alors que demeure un mystère, une étrangeté aveugle qu'on ne peut ni comprendre ni même voir. On va emprunter des détours dans l'art, pour nous dans la photographie, afin d'y chercher des oeuvres emblématiques et tenter de rendre visible cette authentique étrangeté. Les modalités de son apparition fondent une esthétique, mais la relativité demeure. Comme en science, il est impossible d'unifier des pensées dirigées vers un objet unique sachant qu'elles ne feront que tourner autour.

 

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((La photographie est-elle un art ? Je ne m'aventurerai pas dans les méandres de cette question. Je préfère aller me perdre dans celle-ci : La photographie est-elle seulement un art ?))

Avant de retourner à ma photographie, et explorer pour moi le mystère de la disparition, je voudrais revenir une dernière fois sur la question de l'authenticité. Entre autres détours, je constate que dans les écrits théoriques que j'ai pu lire, il y en a bien d'autres que j'ignore, les solutions apportées ont toujours pour objet des concepts ou phénomènes extérieurs à la photographie, à l'entreprise de plonger directement dans son mystère, en commençant simplement par faire une photographie. Bien sûr je ne suis pas le seul qui  réfléchisse sur ses photographies et je trouve très intéressants les écrits des photographes. Je me sens moins concerné par les théories qui extériorisent le problème de l'authenticité. Par exemple, par le "ça a été" de Roland Barthes ou "l'aura" de l'oeuvre d'art pour Walter Benjamin. 
Si je nie de façon abrupte le concept d'authenticité à la photographie, je respecte toutefois les théories qui s'en servent pour essayer d'en cerner les frontières. Je n'ai pas plus qu'elles autorité pour affirmer quoi que ce soit. Leur effort pour penser des domaines à la photographie, séparés par la frontière de l'authenticité, pour consolider cette frontière en interrogeant son concept, me sera d'une grande aide afin de réfléchir à ces domaines et utiliser les même concepts qui définissent leurs qualités respectives dans ces théories.

Finalement, je me pose cette dernière question : Est-ce que l'authenticité, cela regarde la photographie ? Non, je ne pense pas. En tout cas pour la photographie, elle ça ne la regarde pas. Sur ce sujet, elle n'aura sans doute rien à nous dire.


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La disparition cette absence présente de la mort de l'autre

Regardons à nos pieds pour voir qui nous sommes. Pindare

La photographie panoramique en étendant le champ jusque dans ses retranchements ultimes, permet de regrouper sous nos yeux dans le même espace une vision cohérente mais intimement liée à ses limites, celles-ci considérées dans l'espace, et d'une façon plus abstraite, dans le temps. Dans l'espace par exemple le nadir et le zénith.

Le triangle de Penrose et le voyage dans le temps. Dans mon image "Le saut de la photographie" le triangle de Penrose se situe dans la partie imaginaire située au centre de la photographie et à gauche dans la partie réelle du monde photographié on voit des maisons, leurs fenêtres, des voitures garées. 

 

ccccccccccccccccc    je peux revenir maintenant à mon idée de disparition au centre de ma réflexion, et au centre géométrique de cette photographie. Je vais aborder la situation étrange, de cette disparition là, qui ré-émerge dans le même temps, dans le même lieu, qui réapparaît autrement. J'ai besoin de distinguer ces deux disparitions jumelles dans le même. Pour le moment elles sont abstraites, encore indifférenciées, par leur nature ce sont des disparitions invisibles dans ma photographie. Elles sont de l'ordre de l'imaginaire, et le resteront. Pourtant j'ai photographié quelque chose, cette chose qui s'installe dans une présence certaine, au milieu d'un champ au coeur de l'été dont le réalisme photographique n'est limité que par les contours des photos nécessaires à l'assemblage pour montrer le lieu.

Je viens de situer deux domaines distincts au sein de cette photographie, le réel et l'imaginaire. Le réel est authentifié par un réalisme d'une netteté irréprochable et dont je devrais expliquer quand même l'espace déployé dans une vue panoramique, qui peut paraître étrange à qui n'est pas habitué à ces systèmes de projection mathématique depuis une vue optique. L'imaginaire, lui n'a pas de limites ni de contraintes physiques. Il agit comme l'inconscient en deçà de la conscience, mais ce n'est pas pour cela que je devrais lui accorder une force souterraine comme celle du rêve dans la psychanalyse. Je me contenterai de le délimiter à tout ce qui n'apparaît pas réaliste dans cette photographie.

Alors à quel moment la photographie prend la main ? Elle me montre après coup dans l'image finale, qu'à un moment donné de mon élaboration j'ai dû lui laisser une ouverture, que ce qui est apparu n'est plus une nécessité découlant de mes opérations, mais était déjà là au milieu de toutes les potentialités. Qui a décidé que cela soit celle-là plutôt qu'une autre ? J'aurais organisé le protocole autrement, des opportunités nouvelles m'auraient été offertes. Mais il faut que je comprenne qu'une nécessité supérieure m'avait engagé dès le début. 

Il est difficile de séparer la photographie comme une identité distincte du processus photographique que j'ai construit. Elle est contenue dans cette construction, ce n'est qu'une vue de l'esprit. Et pourtant elle s'en détache pour la simple raison qu'elle en est l'origine. Je peux seulement dire après, devant la photographie réalisée, qu'à un moment sa nécessité première s'est incarnée.

J'ai encore le souci de distinguer mes deux disparitions jumelles dans le même. Y aurait-il dans le domaine de l'imaginaire auquel elles appartiennent des spécificités, des particularités ou des qualités propres du domaine pour chacune d'elles ?

 

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Tout comme dans la physique quantique, où le chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant. Mais ici nous ne sommes pas dans la physique quantique, nous sommes dans la photographie.

Pour le chat de Schrödinger, il est facile de comprendre que l'assertion est fausse. C'est une question de domaine, le chat ne peut pas être à la fois dans le domaine de la physique quantique et celui de la physique classique. Avec la photographie il n'y a pas de domaines clairement définis, c'est pourquoi il faut rester pragmatique et quand apparaît une idée paradoxale, il est très utile d'en réaliser d'abord une photographie.

Il n'y a pas non plus d'équations certaines, comme en physique. Pour cerner les domaines, les pensées des grands auteurs peuvent servir d'équations.

Je pourrais développer en approfondissant les comparaisons entre la physique et la photographie, mais ce n'est pas encore clair pour moi, à cause de mon manque d'information sur les frontières de la photographie. Donc je préfère allez voir les photographies, une fois faites, et directement dedans.

Pour y trouver des repères afin de m'orienter, comme le fait mon ombre ici. Elle met sa main en visière, pas tant pour regarder au loin et évaluer la longueur du chemin, mais pour en estimer déjà la nature, là où elle mettra les pieds. Le photographe avait déjà posé son pied-photo quelque part, mais il a disparu. Le photographe aussi, il ne reste que des bouts de chaussures. Que son ombre semble vouloir chausser à son tour, au cas où. Mais l'herbe est douce, elle n'en a pas besoin. D'ailleurs je ne sais pas si elle pourrait les garder, bien qu'elles soient de la bonne pointure.

Avant de poursuivre, je dois apporter une précision sur la plus ou moins grande véracité de cette photographie, afin que mon discours ne soit pas seulement une élucubration. Ce n'est pas non plus pour satisfaire mon ego. Que la photographie soit authentique ou pas n'est guère important pour moi, qu'elle soit juste si. Et si il faut en passer par des aspects strictement techniques, tant pis.

Dans cette photographie il n'y a pas de trucage à proprement parler. J'estime que la photographie par assemblage n'est pas un trucage. Que le tout y soit supérieur à la somme des parties n'a rien de "magique". Comme ne le sont pas non plus les différents types de projection géométrique pour finaliser l'assemblage. Cela fait partie des modalités dont je parlais plus haut. Il y a une hiérarchie dans les modalités. En premier lieu celles des innombrables expressions de la photographie, ensuite dans chaque expression, d'autres modalités.

Le point qui m'a posé problème est le Nadir au centre de l'image. C'est, avec le Zénith, un des deux axes de la photographie panoramique à 360°. Vers eux convergent toutes les photos d'un assemblage. Celles situées à proximité se superposent en ces points. Donc une surface réduite à un point est forcément litigieuse. Et dans cette région les photos se superposent en nombre, il y a une grande confusion. Le logiciel d'assemblage ne peut rien faire. En général, pour une projection plane, on évite de confier aux algorithmes les photos de l'assemblage à proximité de ces points. Les déformations sont trop importantes, jusqu'à étirer le point sur toute la largeur du panorama. Pour cette image, j'ai fini le travail du point à la main, comme une couturière.

L'analogie est plaisante, elle renvoie à l'idée d'artisanat. Le photographe artiste et artisan. Mais ce n'est pas cette authenticité là, si malgré tout il y en a une, qui m'intéresse.

 

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