Texte en cours ..

 
  Le Parc, suite à quatre mains et trois dessins

Attention chute de rien
Tombé en silence à l'intérieur des mots
A vouloir prendre les choses en vain
Nils Detournay & albert lemoine

Je ne m'appelle pas albert pour rien. Il y a longtemps en allant sur Internet j'avais choisi un nom imaginaire et ce prénom plus précisément en hommage à un penseur du Quattrocento, Leon Battista Alberti, premier théoricien de la perspective. Depuis, le personnage s'étant bien intégré je lui ai laissé la part belle, il est devenu le principal acteur de mes pensées et de mes photographies. En me souvenant de mon ancien mentor je me demande maintenant si à mon tour je serais assez aventureux pour émettre une autre théorie sur l'idée de la perspective. Celle que j'ai découverte et élaborée progressivement en pratiquant la photographie par assemblage. Mais depuis Alberti le monde a beaucoup changé. Si je voulais offrir une vision de la scène telle que je la conçois à partir de mes images, un regard étendu sur le paysage, et aussi une expression esthétique inédite, je constate qu'il en existe déjà des milliers. Mon idéal serait aussitôt noyé dans le flot des images automatiques fabriquées maintenant par les machines. Je devrais donc d'abord m'occuper d'elles.

Penser imaginer

Avant de poursuivre je m'arrête un instant pour expliquer ma façon de penser afin d'être plus agréablement lu. Autrement dit pour me comprendre pensez comme moi. Elle est influencée par ma façon de voir les choses dans la photographie panoramique. Normalement la vision linéaire du panorama ordonne sagement les prises de vues les unes à proximité des autres dans le but de les assembler afin de produire un ample paysage. Mais il est tout à fait possible de rebattre les cartes et de replacer les photos en envisageant d'autres affinités entre elles. Si on considère que l'ensemble a été réalisé dans une certaine unité de temps et d'espace, le potentiel relationnel des photos participera toujours d'un esprit familier. Quoi qu'il arrive elles aimeront se retrouver entre elles. Ce sont aussi comme au théâtre, des personnages qui circulent librement, par contre quand ils agissent et se parlent ils le font suivant l'histoire qu'on veut raconter. Toutefois mes photos-personnages n'ont peut être pas une telle dépendance envers l'auteur. Elles conservent leur unité propre, leur individualité dans la trame, et obéissent à une personnalité plus vaste, l'espace du paysage, le véritable auteur. Je suis le photographe chef d'orchestre d'une symphonie composée avant moi. Mon talent tient seulement à l'intuition d'une harmonie qui s'épanouit bien au delà du regard et qui parfois juste un instant pour me consoler se livre entièrement à mon point de vue. Des harmoniques visuelles agiles comme les petits rats de l'Opéra et que j'ai vues s'assembler entre les photographies viennent au devant de la scène s'asseoir en rond et puis s'éloignent selon le protocole pour aller danser plus loin sur la ligne d'horizon.


...........

Un temps pour tout

Dans l'absolu du paysage, bercé par le tempo, je ne néglige pas pour autant les effets de la causalité. Mais me concernant elle est relative. Elle se réduit à la temporalité des choses entre elles et des personnages photographiés. Sa mise en perspective à partir de faits réels, dans l'image n'est que pure invention. Pendant le prise de vue les photos s'égrènent seconde après seconde et s'impriment dans l'appareil les unes après les autres selon une date précise, inscrite elle aussi. Les personnes qui se déplacent dans le paysage et se répètent sur chaque photo tracent un chemin prévisible mais dont l'histoire ensuite sera plus ou moins visible selon leurs apparitions.       


La temporalité n'a pas été négligée, elle existe en de nombreux aspects. Il y a le temps des prises de vue. Il se répercute par la répétition possible d'une personne d'une photo sur l'autre traçant ensuite un chemin dans l'image. Ou moins perceptible, dans le déplacement et l'évolution d'un nuage, le renouvellement de ses contours qui dessineront au fur et à mesure son entité nouvelle et informelle. Dans le ciel ou sur la terre ces diégèses particulières, une histoire pour toutes choses, se croisent et s'entrelacent dans leur temporalité labyrinthique, mais regardez de haut le labyrinthe, elles se résoudront dans un spectacle unique. Toutefois si je l'avais désiré, iconoclaste à l'extrême, j'aurais d'abord fait exploser la temporalité dans toute l'image, mais ses éclats seraient contenus dans un espace qui bien que fortement impacté se recomposera toujours. Car il y a un cadre, quelque soit sa forme et sa nature. Si par ailleurs on pense l'espace en mouvement, ou all-over, alors ces concepts-là serviront de cadre. Si l'espace explose lui même, c'est plus radical, cela tourne à l'anarchie, mais même l'anarchie possède son esthétique. On peut reporter toutes ces considérations dans le texte. On lira, on circulira d'un paragraphe à l'autre en enchaînant les idées, plus ou moins libres car parfois par-devers moi elles sembleront passer du coq à l'âne à contre-cœur, à moins qu'on les y oblige. Qui, le lecteur ? Oui, assurément je m'en excuse, car en aucun cas je ne voudrais apporter de la confusion. Mais les idées ont souvent des exigences, elles disposent d'elles-mêmes en imposant leur évidence à ce moment-là. Pour ainsi dire il vaut mieux avoir l'esprit libre, un certain détachement car l'essentiel étant de vouloir clarifier sa pensée en l'écrivant, on doit admettre que les idées se placent toujours devant nous en caracolant. Également, comme un auteur devrait à un moment donné se sentir dépassé par ses personnages, le photographe à un instant donné est précédé par ses photographies. Quand il s'agit d'assemblage de photographies ce sera sur la durée. Ici, tout le long de ce récit j'ai vu les idées s'assembler, même si leur distribution n'était pas vraiment rigoureuse, en notant par-ci par-là que certaines de leurs qualités ou leurs mouvements se reconnaîtraient ailleurs un peu plus loin, débrouillant une atmosphère, la rendant de plus en plus familière. D'ailleurs je continue encore maintenant en intercalant ce paragraphe à peine écrit au début d'une histoire pourtant presque achevée. Ceci étant dit il me fait revenir dans le hangar des machines.

Le bruit de mes machines

J'entends à l'instant Michel Serres raconter qu'un robot ne sais pas ne rien faire ni ne peut l'apprendre, encore moins faire semblant. Il a parfaitement raison, ils n'ont aucune humour. De mon coté j'écoute le bruit de mes machines. Il ne s'agit pas de robots, ou d'un assistant à mes coté, elles ont envahi tout le terrain. Je les restreins alors à l'ensemble matériel et logiciel pas forcément nécessaire mais utile pour construire mes photographies. Le principal défaut de ces appareils est qu'ils n'ont qu'une fonction, rejoindre l'objectif pour lequel ils ont été conçus. Quand en leur compagnie je déborde comme je le fais souvent des directives imposées par le mode d'emploi, les algorithmes ne suivent plus. Ayant pris le contre-pied de l'efficacité en favorisant le principe de l'erreur pour mieux rebondir vers l'inconnu, je me lance à chaque fois dans une nouvelle aventure. Cela n'a rien à voir avec le Deep Learning de la Non-Intelligence-Artéfactuelle (NIA). En partant de zéro la NIA aboutit à des performances considérables qui nous dépassent en vélocité mais n'apportent rien de plus à la somme de leur addition.
Je ne pars jamais de zéro. Mes découvertes ne sont donc pas le fruit du hasard ou des probabilités, je jalonne systématiquement le chemin avec des bornes où sont inscrites les règles élaborées auparavant dans le flux des expériences passées. Ainsi je progresse en prolongeant une arborescence nourrie depuis ses racines par la sève des connaissances. Plus la ramure de cet arbre s'étend, plus nombreuses sont les propositions pour l'embellir dans des proportions harmonieuses. Ainsi quand je publie une image, c'est qu'elle a été privilégiée parmi une dizaine d'autres variantes moins prometteuses. En tant qu'artiste évidemment mon principal souci est d'ordre esthétique, un espace intime que ne dérangeront pas les cliquets des machines.

Imaginer penser

Avec raison on fouette son canasson, avec un peu d'imagination on se chevauche soi-même.
Cette tournure d'esprit m'a permis d'accéder aux limites de la conception d'une photographie panoramique. Au delà de ces limites, quand l'assemblage de l'image devient déraisonnable, affolant les algorithmes, l'imagination se cabre sur la pierre d'achoppement, vers le saut. Alors on devient poète, ou bien on se doit de la maîtriser pour revenir à la bonne allure, non pas celle du trot mais aller à l'amble, un balancement harmonieux entre l'imaginaire et la raison.      

Le mariage de la rigueur avec l'incertitude de l'imaginaire est un mystère. Je voudrais alors reculer au début de mon histoire, celle de l'invention de la perspective albertienne, quand l'incertitude s'était étonnamment transformée en certitude. Pour moi aujourd'hui attiré par une nouvelle musique j'exprime cela comme écouter un son inconnu. Comment les artistes en ce temps là, eux se débrouillaient avec leurs instruments ?

Je me demande si on me lira un jour comme je le fais ici en parcourant ma pensée rectiligne de la perspective dans une perspective entre hier et aujourd'hui ou, étant doué d'ubiquité dans une perspective que je concevrai plus tard circulaire je pourrais déjà être maintenant comme demain.


L'instrument de la machine





Cette peinture a tellement été volée qu'il est impossible de retrouver et de citer son auteur. Je m'en excuse.

Je ne vais pas reprendre l'historique de la perspective, mais quelques éléments sont nécessaires pour comprendre mon raisonnement. On excusera les raccourcis. La perspective du Quattrocento fut une invention où l'art se joignit à la science pour mesurer le monde. Sa naissance parut soudaine et radicalement étrangère au monde d'avant, car au Moyen Âge les représentations de l'espace étaient ordonnées par des règles symboliques et non mathématiques. A la Renaissance, avec la méthode de Filippo Brunelleschi l'architecte, et surtout son instrument, une simple planche peinte percée d'un trou pour voir au travers, et un miroir, afin de vérifier par l'expérience (1425) la justesse de son modèle de perspective, l'évidence de la précision géométrique s'imposa dans la représentation de l'espace architectural. Je note pour y revenir plus tard que la certitude dont je parlais plus haut, est une trahison de l'imaginaire et pour le futur un oubli de son origine. Mais peu importe, les artistes suivent. Ce sera ensuite grâce à Alberti dans son traité Della pinttura (1435) que l'idée même de la perspective a vraiment émergé en tant que telle dans les consciences et que le concept a pu être raisonné, développé, modifié, pour certains abandonné ; alors que jusque-là sa pratique n'était qu'un moyen efficace pour redresser les murs. Mais sur ce point : la distinction entre pratique et théorie, mon désir de suivre la trace de Alberti s'arrête décidément sur quelque chose qui cloche. Le traité Della pittura n'indique en aucune façon que Brunelleschi fut l'initiateur, le découvreur, l'inventeur de la costruzione legittima, la perspectiva artificialis, une manière de perspective, plus tard prospettiva (1475), en tant qu'elle se distingue de la perspectiva naturalis du Moyen Age. Je suis impressionné par une telle avalanche de mots qui, en perspective viennent par, de, vers, moi.

Et dans la pratique quid de l'expérience elle-même, celle qui en toute simplicité inaugura la Renaissance ? 

Pense imagine expérimente


 

Brunelleschi le type ô chapeau

Grand architecte du dôme de Florence, élevé avec prouesse sans renfort de poutres ni aucun échafaudage, il était avant tout un praticien, un constructeur. "Un architecte, qui plus est, pour lequel le problème de l'architecture ne se laissait pas disjoindre de celui de la représentation, ni le problème de la représentation de l'architecture de celui de l'architecture de la représentation, pour autant qu'on le formule en termes constructifs." - Damisch. Sa pensée édifiante fourmille d'idées, se promenant sur des anneaux de Möbius Mœbius M∞bius entrelacés, pas de Cartier. Pour son prototype Ô peignit le baptistère Saint Jean-Baptiste de Florence. Juste ce qu'il faut d'architecture avec un peu de ciel autour. On suppose qu'il recourut à la méthode usuelle du plan sécant qui consiste à lever la perspective, à nourrir le bâtiment pour qu'il grandisse depuis son plant au sol. Un agriculteur, qui plus est. Et un chasseur cueilleur coupant à vif dans la section du cône visuel ô

< Ф ф φ Ø ȹ > Dans le panier.

- Фø ô - Ramasse tes billes 

Le miroir c'est de l'argent poli
Le temps c'est de l'argent brillant

Sur la gravure citée plus haut on lit : painting with polished silver sky.
Traductions Google :

Français > Italien > anglais > Français
Peinture avec un ciel argenté poli
Pein
ture un ciel argenté brillant

Français > Afrikaans > anglais > Français
Peinture avec un ciel argenté poli
Pein
dre avec un air argenté brillant

Français > Zoulou > anglais > Français

Peinture avec un ciel argenté poli
Peinture avec le ciel en forme de ciel

Peindre avec un sapin rose  
Et une rose de gouvernail
Tout le ciel d'argent 
Arrose de son miroir
La pièce montée
En rose

Il est facile de ricocher avec les mots miroirs des langues et de savourer le poète. Lèche ta langue. Langue fourrée. Langue fourre-tout. Alors peins ta langue en bleu. Mais dans la pratique on ne mâche pas les phrases, nids de virgules, ces petite langues qui lèchent les mots.   il est plus ingénieux de se servir d'un miroir pour refléter le ciel plutôt que de le peindre. Brunelleschi l'avait

Le langage pèse lourd à celui qui manie la plume sinon il tombe dans le vide



Un horizon vertigineux

Aujourd'hui l'évolution de l'art a relégué le principe de perspective au rang d'une technique dont s'occupent les machines, et l'appareil photographique. L'art, lui redécouvre la puissance au naturel des fonctions symboliques libérées de l'histoire et de la religion, ou à l'inverse il invente une démarche purement conceptuelle, la beauté intrinsèque d'une idée remplaçant celle de sa représentation. Ces deux aspects de la pensée artistique sont conciliables au sein de la représentation. Le langage de l'artiste conceptuel sur le temps, l'espace, les relations humaines, est le même que celui du peintre ou du photographe. C'est juste une différence d'écriture, avec une légère nuance pour le photographe qui se sert en plus du langage de l'assemblage
. Tout le monde écrit avec la lumière, le conceptuel écrit sur la lumière, le peintre la peint, comme le photographe la photographie, mais ensuite il la réécrira avec l'assemblage. Ce sont deux étapes distinctes, l'une où l'imaginaire est en retrait derrière l'optique et l'instant décisif, il n'est qu'intuitif ; l'autre où il peut enfin s'épanouir en avant de la machine et se mettre littéralement à l'œuvre. Le praticien rejoint le théoricien, mais cette fois la puissance de l'imaginaire autant pour l'évocation que pour la formulation est prise en compte.

De perspicere "regarder à travers, regarder attentivement". Suivant l'étymologie l'évidence et la transparence de la perspective sont telles qu'elle devint une constante formelle de notre vision. La photographie avec son appareil optique idéal et en tant que "preuve du réel" l'a amplement vérifié. Alors on oublie que parmi d'autres possibles la perspective du Quattrocento n'avait été qu'une pure invention. Depuis, notre cerveau enfermé dans les limites transparentes de la certitude visuelle va donc avoir beaucoup de mal a accepter une nouvelle découverte. Il l'ignorera purement et simplement et nous considérerons que le spectacle offert à nos yeux, si il nous paraît serein bien qu'un peu étrange, ne sera jamais qu'une "peinture" photographique, ou bien au pire un trucage, un artifice de l'imaginaire.

Depuis les hauteurs du monument offert à la technique, un danger nous guette. Comme des enfants soulagés par les machines à calculer et oublieux d'apprendre, notre attitude est similaire dans beaucoup d'autres domaines. Je vais l'illustrer avec l'exemple des techniques spécifiques de projection appliquées aujourd'hui à la photographie. Ces pratiques sont anciennes, elles proviennent des premiers grands progrès de la cartographie, ceux qui ont favorisé la découverte du nouveau monde, et des Amériques. A noter qu'à cette époque, Florence où est née l'invention de la perspective, était aussi le haut lieu de la cartographie. Découvertes et inventions s'interpénètrent. Certains types de projection ont gardé le nom de leur auteur comme la projection Mercator, un peu plus tardive 1569, du géographe flamand Gerardus Mercator.

J'utilise un logiciel d'assemblage pour la photographie panoramique, encore performant (la vue du Parc est une projection Mercator), mais caduc maintenant car abandonné en 2018 et non mis à jour depuis. D'autres plus récents fonctionnent sur le même principe avec des prouesses supérieures mais uniquement quantitatives. Le seul véritable intérêt de ces programmes est que l'on puisse garder la main sur la structure et les paramétrer en ôtant l'inessentiel, c'est-à-dire en dehors des fonctions de base, à peu près tout.
En général l'absence de curiosité, forme de paresse intellectuelle, nous incite à préférer le tout automatique pour des plaisirs plus rapides. Les spécialistes comme moi se réjouissent encore de pouvoir accorder leur instrument au diapason d'une musique personnelle. Les autres pour occuper leurs loisirs vont regarder sur le Web ces étonnantes productions panoramiques, trop souvent des intérieurs d'églises, somptueuses architectures complètement déformées par le champ visuel ouvert à 360°. Ou encore plus sobre la plage à Concarneau ou São Paulo, malgré les variantes géographiques, toujours la même photo. Miracle du progrès à la portée de tous, on s'aperçoit qu'on peut faire pareil avec un téléphone portatif. Les plus chers intègrent des possibilités de projection "originales" et spectaculaires, par exemple la fameuse projection en "Petite Planète". Alors la plage de Concarneau s'épanouit, elle se métamorphose en une jolie bulle de savon. Les places des villes, les ronds-points sont transformés en massues à pointe, un Morgenstern (étoile du matin) du Moyen Age hérissé de clochers d'église .. J'ai de quoi m'inquiéter, comment voulez-vous que je rivalise avec un imaginaire aussi débridé ?

Je pense qu'il y a un malentendu sur le terme. Cet imaginaire au fond n'est que celui des machines. Inscrit sur un mode d'emploi répétitif, il est contradictoire, il faudrait lui trouver un autre nom. D'autre part comment vais-je distinguer mon propre imaginaire de celui-ci ? Et en quoi en rapport avec Alberti, c'est là mon but, je serais en mesure de démontrer plus tard avec une photographie que ma vision ne s'inscrit pas dans l'avatar, la prolongation déformée de l'ancienne perspective, mais qu'elle offre un regard radicalement différent posé sur le monde ? Voila un pari risqué, mais j'adore l'imprévisible .. saut vers l'impossible.

Le miroir

Le temps c'est de l'argent poli.
Dans la peinture, ça montre ; dans le miroir, ça démontre. (Damisch)
Le miroir renvoie, il dé-montre. La photographie montre, et quand elle le fait de sa vision circulaire (360°) aucun miroir ne peut restituer son image. Ni le miroir qui renvoie l'image du Baptistère peint. Ni le miroir peint en pigment d'argent poli sur la planchette de Brunelleschi qui renvoie le ciel naturel. Ni le miroir du tableau des Époux Arnolfini qui renvoie  le vrai point de vue, l'envers du tableau, l'infidélité. Ni le miroir du passé. Ni le miroir aux alouettes. Ni le mot miroir qui se renvoie à lui même. Ni ..

En photographie l'intuition est reine. Malgré l'élaboration d'un projet ou seulement dans l'intention d'aller chasser des images, sur le terrain du monde extérieur on est toujours confronté au mouvement aléatoire de la nouveauté. A chaque fois elle nous engage à réussir, ou à manquer la photo. Pourquoi ? C'est une question de regard. On ne s'adapte pas à la richesse du divers et à l'improbable soudain, c'est eux qui viennent, non pas à, mais de notre vision, de l'intérieur ils prennent forme, il sont sculptés par le regard. Une opération à la fois lente et instantanée. Intemporelle comme la dernière seconde avant l'éveil qui contient tout le rêve. Dans ces moments-là l'intuition est reine, elle étire sa traîne en procession, en une longue prémonition. 

Dernièrement j'effectuai ces prises de vues pour l'assemblage du Parc de Salins, à différents moments, depuis le même point de vue sur la souche de l'arbre coupé. Après la construction de maquettes pour chacun des panoramas, deux réalisés le premier jour à 10h et 16h, les deux autres le jour suivant à peu près aux mêmes heures, je décidai de décliner mon projet en deux versions, le Parc et le Parc imaginaire. Pour celui-ci j'étais très excité à l'idée de mélanger les panoramas en mariant les atmosphères de périodes solaires opposées, un soleil à l'est l'autre à l'ouest. Ceci avec l'ampleur d'une vision circulaire tournant sans fin sur un champ ouvert à 360°, où se réunissent eux aussi Plein-jour et Contre-jour les enfants du soleil. J'ai déjà écrit et publié cette histoire dans sa forme poétique, une transcription assez fidèle de ce que je se raconte albert pendant l'assemblage. Quand se construit l'imaginaire c'est une façon d'aider à résoudre l'intuition en une équation visuelle libre en deçà de la raison. Que dire de plus ? Oui, hier un ami m'offrit involontairement (son traducteur Google s'était trompé) une autre occasion : L'ombre de deux soleils est plus riche d'imprévu, de mystère comme le croisement de deux regards, que celle d'un seul soleil. Et rendez vous compte, si il y avait trois soleils et plus jusqu'à cent drillons qui courent vers leur destinée. Enfin une infinité de soleils. Alors la boucle sera bouclée. Mais nous n'en sommes pas là. Profitons de l'union de nos diversités.
Enfin, s'agissant des prises de vue du début de ma séance, celles de la vision originelle, pendant ce moment primitif où je fus introduit dans le paysage pour la première fois, j'ai ensuite assemblé le panorama simplement dans son intégrité et sans modifications. Peut-être un autre jour je reviendrais travailler à nouveau sur les trois autres séances. Malheureusement je n'ai plus l'énergie pour prolonger la scène pendant des heures. Avant je continuais à photographier, à remplir ma palette d'autres matières et couleurs que les combinatoires futures agenceraient jusqu'à l'extrême limite de l'invraisemblable (l'inconcevable était déjà là, il n'y avait qu'à se baisser pour l'emporter). Ou encore, sorti du premier point de vue décisif j'en cherchais d'autres tout autant pertinents mais imprévus et imprévisibles donc libres et innocents, potentiellement riches de mon absence d'intention (je courais vers eux à l'instinct comme un chien d'arrêt). Actuellement pour mon projet j'ai tout ce qu'il me faut. Avec le Parc et le Parc imaginaire je réponds à ma première proposition, bien montrer la différence entre mon imaginaire et celui des autres occupés par les machines. Le panorama simple et nu, lui va me servir pour ma démonstration suivante, celle du saut. Ou comment bondir vers l'inconnu et le rendre visible. 

Évidence harmonieuse 

C'est le besoin de parfaire les qualités esthétiques qui m'a incité à réfléchir sur cette question qui me préoccupe depuis pas mal de temps et qui s'est poursuivie avec celle actuelle sur la visibilité de l'inconnu : Pourquoi lorsque je projette un panoramique circulaire à 360°, la composition obtenue enfermée dans le cadre de la projection s'impose avec naturel et est toujours harmonieuse ? Il y a plusieurs raisons à cela que je vais essayer de développer sans trop nous embarrasser d'explications compliquées.

Je pars de l'exemple d'une photo panoramique circulaire à 360° horizontalement, comme celle du Parc, mais son champ plus restreint en hauteur, au maximum 180°, permet qu'on la visualise dans un cylindre plutôt qu'une sphère, ou une demi-sphère, allant du sol au ciel. Dans le cas d'une sphère entière, au niveau de ses deux pôles, le Nadir en bas le Zénith en haut, quand on opérera la projection de l'image sur le plan les déformations seront si prononcées qu'on aurait du mal à les exprimer. Ici le dessin en cylindre en vue de sa projection, avec seulement la partie équatoriale supérieure de la sphère, en sera donc simplifié :

                                              





Si a priori je souhaite que dans la projection l'arbre soit le sujet principal et centré, j'effectuerais une découpe virtuelle à l'opposé et j'ouvrirais le cylindre pour le déployer sur le plan. Mais pas forcément, il se peut très bien que dans le rendu l'arbre décalé et le bâtiment coupé de chaque coté du cadre fonctionnent mieux, avec une composition imprévue mais dans sa globalité tout à fait juste. En tout état de cause, j'ai la possibilité d'effectuer une translation latérale dans le cadre de la projection, les éléments disparaissant à droite vont réapparaître à gauche. En général je n'ai pas à bouger beaucoup et de toute façon à un moment donné de l'ajustement un déclic visuel se produit et la composition devient parfaite ; quelque soit la diversité des éléments de la scène et leurs proportions dans la profondeur. C'est très étonnant. D'ailleurs pour la vue du Parc il n'y a pas eu d'ajustement car le tronc couché s'était imposé avec évidence comme centre d'intérêt pour l'imaginaire, alors que l'ensemble des éléments de la scène s'organisait harmonieusement jusqu'à l'horizon autour de lui. Même les nuages ont participé de l'évènement, c'est incroyable n'est-ce pas. Je ne parle pas de l'autre travail de projection envisagé depuis une sphère qui réservera d'autres surprises, ou des expériences du saut plus aventureuses encore qui m'emporteront en dehors des limites de l'image pour aller y chercher des formes inconnues et les rapporter dans la composition. Je citerai quand même à ce propos la naissance du "Golem", car on peut y visualiser en direct dans cette vidéo le moment réjouissant du déclic harmonieux. Le panorama qui me servait alors de tremplin avait un champ inférieur à 360°, des limites bien marquées d'où bord à bord je plongeai sans peur :
La naissance du Golem en vidéo


Vol de jour-nuit 

Une autre raison de l'harmonie d'un grand panorama concerne la globalité, la totalité du visible circulaire sous la voûte du ciel. Nuageux ou étoilé quand un jour le sommeil m'apprit en plein après-midi qu'on pouvait rêver éveillé. Alors que les étoiles n'étaient en réalité que les artefacts des lentilles de l'objectif. Plus tard se chevauchant d'une photo sur l'autre dans l'assemblage je les conserverais soigneusement au cas où je souhaiterais les voir à nouveau éclore dans l'image toutes en même temps hors du temps.



La globalité

Cartographe de l'imaginaire empreint de subjectivité je n'en suis pas moins rigoureux quand il s'agit de distinguer entre les différentes dimensions de la réalité l'endroit où on doit savoir rester à sa place. Or la place que j'occupe dans le Parc, la souche de l'arbre, point de repère éminemment stable que je retrouverai le lendemain, aussi très similaire d'une version à l'autre de la représentation du Parc et du Parc imaginaire, est pourtant sujette à caution. Cet emplacement géométriquement juste d'où le photographe chef d'orchestre dirige la cadence parfaite du paysage, est tout autant le repaire d'un photographe jumeau bandit de l'imaginaire. Bientôt je prendrai une pioche et une pelle pour aller creuser au sommet de ce trou. Mais pour l'instant je reviens encore sur ce qui me paraît le plus important : Quoi qu'il arrive, où que l'on soit, la constance du visible ne s'exprime pas dans les faits de l'image mais en nous en tant qu'idée. Elle se traduit face à la réalité dans notre façon d'être qui en changeant peut elle seule changer la réalité. Avec cette même solidité la transparence de la perspective du Quattrocento a traversé le réel et les siècles, toujours identique à elle même. Seulement aujourd'hui on a la capacité de l'étendre jusqu'à une vision à 360° (et plus encore si on dépasse les limites du possible pour entrer dans l'imaginaire). Mais cela reste une simple extension du champ visuel. Néanmoins seuls les outils numériques le permettent par la représentations virtuelle de l'assemblage. Car évidemment à moins d'avoir des yeux derrière la tête un regard direct avec un champ aussi étendu est impossible. L'ustensile de Brunelleschi, le petit trou au travers duquel il faisait se coïncider les traits de l'architecture sur ceux du dessin, ne fonctionne plus. Le photographe va donc être obligé d'anticiper l'illusion de l'architecture future, ainsi que le paysage dans sa globalité, dans la totalité du champ et de tous les éléments qu'il contient, ceux qui s'harmoniseront dans une composition à la fois naturelle et idéale, comme je m'en étonnai plus haut. On dira aussi qu'il l'imagine, mais le terme ambigu est encore une fois inadapté à la rigueur formelle et certaine de la vision-idée. On trouvera une autre expression.

Sortir du trou

L'architecte peintre : Et toi que veux-tu faire ? Je préfère la photographie c'est moins salissant.

Sortir de derrière le trou ou sortir du trou pour grandir et s'épanouir comme une plante. Je ne photographie pas les arbres, ce sont eux qui me photographient.

Mon expérience, comme celle de Brunelleschi, n'est pas celle de la prise de vue, ou même ma position sur la souche de l'arbre coupé, mais celle de ces trois dessins superposés du Parc, réalisés sur le coin d'une table en attendant de boire un café. Ma vision du Parc rendue par la photographie en deux versions était encore toute neuve et ne cessait de m'interroger. Je voulais vérifier par la pratique la justesse de ma perspective, la perspectiva artificialis, une manière de perspective. La révélation soudaine du 1er et du 3ème dessin à rebours me montra simplement l'élévation de la perspective nouvelle à partir du plan au sol et le changement radical du point de vue. Le dessin du milieu est faux. Il essaye de traduire l'étape intermédiaire, le mouvement entre les deux vues. L'erreur vient du fait de mon incapacité, ou de la difficulté à visualiser le mouvement et la translation d'une surface sphérique qui se projette sur le plan. Je n'ai pas de référence, en effet dans mon programme d'assemblage je passe directement par une équation mathématique de la somme des prises de vue à leur projection choisie (Mercator). Seule cette projection est visualisable et manipulable en temps réel. 

L'immanence

On comprend aussi que la globalité de la vision-idée ne coïncide pas avec celle du paysage, même si on en perçoit la profusion dans l'image jusque dans les infimes détails. On a affaire à une toute nouvelle transparence ou immanence de la perspective étendue. J'allais dire transcendance mais le terme immanence est plus riche. Il contient sa propre transcendance. L'immanence évite l'immobilisme du point, cet homme fixé sur la transcendance et la subissant alors que, au combien humaine elle aussi, l'immanence s'étend dans le cercle, dans la présence de tous les possibles. Ici, la perspective étendue dont je parle, personne n'est en mesure de la voir, ni de la comprendre, à moins que je ne le dise, et que j'en fasse la théorie. La preuve en est, de la composition de cette photographie du Parc d'aucuns n'y verront l'évidence d'un authentique panorama à 360° mais seulement une sorte de peinture-photographique aux proportions normales d'un tableau-paysage. Qu'en reste-t-il donc ? Je ne révolutionnerais en aucune façon le monde de l'image avec juste une extension de la perspective, de plus doublement transparente, visuellement, et du fait de notre ignorance qui la réduit à de justes-fausses proportions. A la limite je me consolerai en espérant apporter conseil à quelques autres photographes artistes qui s'y intéressent, de laisser faire la géométrie panoramique, et la photographie travailler à leur place. Avoir l'opportunité de produire directement des compositions agréables à l'œil sans même se soucier de rien n'est pas négligeable, c'est du temps gagné. Mais au sein du vaste domaine de l'art cet enjeu esthétique sera considérablement réduit. Des artistes panoramistes il y en a peu.

Pourtant j'ai l'intuition que le long de mes réflexions émerge petit à petit un autre enjeu, non plus issu de l'esthétique de la photographie mais inscrit dans le texte. Un enjeu philosophique & métaphysique si j'accole ou accorde correctement l'imaginaire à la raison. Ces deux-là vont de pair en faisant le pont. Pour moi l'un vers l'autre c'est un bond au risque de se croiser ou de se percuter. Un rendez-vous dangereux, d'ange heureux qui recherche dans l'harmonie la coïncidence. J'espère qu'il la trouvera ailleurs que dans une poésie :
 ..
Allez donc penser à l’homme
Allez donc faire un enfant

Allez donc pleurer ou rire
Dans ce monde de buvard

Prendre forme dans l’informe
Prendre empreinte dans le flou

Prendre sens dans l’insensé
Dans ce monde sans espoir

Si nous montions d’un degré
..
 .. Dit Paul Eluard dans Poésie ininterrompue. Un très long poème qui se descend ou se gravit comme un escalier, depuis le Nadir de la cave au grenier. Arrivé au Zénith des marches, en haut d'une tour, je n'ai pas supporté la vision si belle, pleine et entière, absente de trous. Et je suis redescendu. D'ailleurs, furieux de l'impasse et de retour dans la photographie je réalisai un pastiche, un mème on dirait aujourd'hui, du tout début du poème, de ce que je croyais être le fameux Nadir. Accessoirement ce lien hypertexte vous guidera vers mon pomème.  
Pastiche-meme


L'art d'enrouler et de dérouler le monde


Giotto - Le jugement dernier (détail) - chapelle des Scrovegni, entre 1303 et 1305

"La photographie a rassemblé le monde et le déroule devant mes yeux sur toute l'étendue du paysage."

Ais-je à mon tour pastiché Giotto
?
Dans une autre image je donnais cet exemple en
racontant que Giotto avait demandé aux anges d'enrouler le ciel afin de le dérouler ensuite lui même sur la terre des hommes.
Aujourd'hui dans le Parc ne demeure que l'immanence de la photographie, indifférente aux hommes et aux anges.


Penser voler Imaginer voler

L'écriture, un rocher où l'artiste contemple l'écume du monde.

Avec l'assemblage du langage photographique je vois les choses en grand. Mais pas forcément, comme dans un Haïku un nuage carré minuscule rivalise de puissance, il fait le vide dans ma tête et autour de lui. Mais je suis un autiste engagé et j'estime que les images petites ou grandes ne sont pas suffisantes pour témoigner. Je vais voir ailleurs. L'autre écriture est presque effacée remplacée par les smiley et les likes. Et les images défilent tellement vite qu'on a pas le temps de les lire. Je réfléchis. Bientôt quand la totalité du langage aura disparu, qu'on autorisera de liker les likes qui eux font vraiment le vide, il sera trop tard.

Cf.   Liker VS Partager
.. Mais tu peux encore me partager et je partagerai ton partage.
Il y a une grande différence entre liker et partager. On peut la comparer avec Éros et Agapè, mais pas tout à fait car le terme Agapè exprime à la fois un sentiment humain et une grâce divine quand à présent ne demeure plus que l'immanence. On me rétorquera, oui mais l'immanence est bourrée de sérendipité. Tu parles ! Elle est plutôt bourrée par Éros ta sérendipité. Alors là par contre Éros est toujours d'actualité, car comme tout le monde le sait il est lié à l'instinct de mort.
En définitive, like-moi et je likerai ton like est très similaire à tue-moi et je ne te tuerai point. Au moins ici c'est direct et définitif, la mort ne se cache plus sous l'absurdité du like (tue-moi lentement et je te tuerai très lentement). 

Que reste-t-il à faire ? Retourner dans sa tanière ou essayer de comprendre et correspondre. Chez moi c'est comme chez vous, seulement on a pas les même règles. Il faut accorder les violons de la musique interne. Je est un autre tout contre moi. Et pour que le son s'étende et sorte par la porte et les fenêtres, avec un métronome visuel trouver le tempo de la communication. Le Parc cours comme une rivière. A sa surface les personnes et leurs personnages déambulent, certains à contre-courant ce qui les rend moins visibles. L'ensemble sonne juste.  

Reprenons à la clé, avec une autre clé que la globalité, celle-ci se nomme ubiquité.


L'ubiquité

Un horizon vertical

 

Continuité

Le sol en éventail
Et l'ouverture de la sphère


L'éventail des possibles

L’œil vrai lit du réel