Rien 

(Histoire d'une rencontre sur Facebook)

Dernièrement j'ai fait la connaissance de Nils Detournay sur Facebook. Il m'a tout de suite fasciné par sa capacité prodigieuse à faire jaillir à gros bouillon le non-sens qui règne en maître sur Facebook, et sur tous les réseaux sociaux en général. Le terme générique "Réseaux soucieux" étant déjà en lui même un pur mensonge, la contradiction absolue de ce que devrait être une communication entre personnes sensées.

Je reproduis sur mon site une petite aventure personnelle, un sentiment très fort vers la métaphysique du non-sens, qui m'est venue suite à cette rencontre sur l'une des nombreuses pages et groupes créés par Nils. Ce en quoi je lui suis extrêmement reconnaissant, et j'espère que cela pourra se reproduire le plus souvent possible.

Si je ne publie rien sur ma propre page, à part cette annonce et le lien vers mon site, c'est que cela a déjà été fait par Nils chez lui sur Facebook. En outre je commence à être totalement excédé par les likes faussement énamourés me concernant (excusez ma paranoïa à me tirer une balle dans le pied), qui ne sont pour moi que l'expression de la paresse crasse à survoler les images sans jamais s'attarder aux textes.

Au moins sur mon site, comme personne n'y va je sais à quoi m'en tenir. En parfait égoïste, adepte chevronné du solipsisme, je sais que pour un écrivain, un artiste ou toute autre forme de poète, on ne doit travailler que pour son meilleur lecteur : Sois-Mème. Il n'y pas de faute, j'ai seulement pensé : Sois le Mème. 

 

    OuLiPo.. ou pas
     Nils Detournay

 

 (Mise en abyme. #Lipkao ( Signalétique )
((Photo d'une pancarte marquée : CHEMIN PERDU))
 Au rayon Hypallage..

albert lemoine
Très beau ! On pense toujours à la destination, où quelque chose se perd en chemin, le chemin lui même, les Holzwege (Chemins qui ne mènent nulle part), ou encore qui s'écartent et s'oublient cette fois dans le temps (Le jardin aux sentiers qui bifurquent), mais jamais à l'origine. C'est réservé à l’Être. Toutefois, une ontologie du chemin, son paradis perdu, son Eden, pourquoi il n'y aurait pas droit lui aussi ? Superbe donc, merci, je suis tout à l'écoute.
Par contre, sur un autre registre, pourquoi tu l'aurais trouvée au rayon hypallage ? Je ne comprends pas. Il y a aussi un petit truc qui m’embête. Voici, ne vois là aucun reproche, je suis juste curieux. La photographie est de toi ? Tu es vraiment entré dedans, ou bien tu l'as seulement empruntée, en restant devant, sur le seuil ?
Si tu veux marcher un peu, on discutera en chemin, du chemin, et je t'en prête une des miennes, j'en ai plein.

 

  
   Un peu

   plus tard...

    La beauté du geste

Cher ami,

Hier je t'ai proposé de m'accompagner vers l'idée du fameux "CHEMIN PERDU" dont tu avais découvert l'emplacement. Comme la photo de la pancarte n'a pas été prise par toi, il serait difficile de retrouver matériellement l'endroit exact où nous aurions pu établir notre camp de base. Mais peu importe, l'essentiel est de connaître le sens de la marche pour aller dans la bonne direction. Ce soir l'idée très belle au couchant flotte comme un vaisseau à l'ancre, elle contient tous les chemins possibles, nous allons la rejoindre d'un coup de rame pour partir demain et trouver le mien. J'ai les cartes de l'endroit que je voudrais te faire visiter, avec l'emplacement des amers. Si on se perd, j'y compte bien, ou pourra toujours faire le point.

Je possède aussi d'autres vues anciennes, comme celle que je t'ai confiée hier. Elles sont authentiques, pas comme les amuse-gueules de tes récoltes quotidiennes, y compris bien sûr la photo de la pancarte. Tu sais, ce genre d'image où le sens titube comme un ivrogne dans son propre non-sens, je t'en fabriquerai à la pelle. Au moins celle-ci a eu le mérite de ne pas désavouer son ignorance afin de laisser aux autres le soin de décider pour elle. Au fait, tu l'avais trouvée dans une supérette de ton quartier ? Pour les touristes l'épicier l'avait mise en tête de gondole ? C'est ça oui ! C'est un copain. Pour autant ne te sens pas obligé de lui refiler les miennes, elles n'en valent pas la peine.

Retournons à nos préparatifs. Le lieu des origines celui du chemin perdu, j'aimerais donc le découvrir avec toi. Jusqu'à maintenant je n'étais pas allé aussi loin. Comme dans "Bonjour Monsieur Courbet" il y avait toujours des amis de rencontre pour me divertir de mes explorations. On retournait alors à l'auberge et devant un bon verre de Schnaps j'oubliais le lendemain. Cette fois on ira d'un trait et quand on trouvera l'innocente, endormie sous son pommier, on la décapsulera ensemble, à ta santé !

Aujourd'hui je me fais vieux, je ne bois plus, mais cette perspective m'enchante. D'autant plus, avec mon corps fatigué, je suis heureux je n'ai même plus besoin de me déplacer. D'un doigt distrait tournant le globe terrestre de Google creux comme un œil caverneux, je projetterai encore longtemps mon esprit électrifié, au loin sous les cieux.

En réalité, si cela me fait autant plaisir d'y retourner c'est qu'il s'agit de mon enfance. Et si j'ai eu plusieurs vies seule l'enfance de ce lieu décida de mon avenir. Une toile d'araignée ivre spiralée dans l'espace intraçable du temps. Ainsi va la vie qui au fond, arrivée à destination ne souhaite plus que se perdre dans l'éternel retour vers son commencement.

Bon, tout en causant j'ai regroupé l'iconographie nécessaire que je t'envoie plus bas. La photo que tu possèdes déjà montre le chemin auquel je pense, à peu près en son milieu. Une autre, prélevée aussi sur mon site internet, j'ai la flemme d'aller chercher plus loin, offre une belle perspective estompée sur le bas mais qui, passé les bornes de l'entrée s'affirme comme une flèche tirée au loin. C'est là que nous allons. Le site est très connu. En fait de chemin, du moins en son début, il s'agit plutôt d'une allée dite "la Grande Allée" qui se dessine naturelle dans l'axe et le prolongement du château de Commarin en Bourgogne. Mais ne te méprends pas, toutes les vues qui pullulent sur le net ne s'intéressent qu'au château. Aucune ne montre l'allée comme je l'ai fait, tout simplement parce qu'elle n'a pas de Pourquoi, tout du moins aux yeux du vulgaire. Si tu y vas quand même j'espère que, dandy oulipien jusqu'au bout des ongles tu préfèreras quand même mes photographies. Encore une fois elles sont tout à fait authentiques. La preuve en est, ce sont des diapositives de l'époque argentique, des Ektachromes inviolables et inaltérables. La technique de la surimpression me permettait aussi d'enrichir le regard dès la prise de vue en photographiant les choses sous des angles particuliers. Par exemple, en voilà une des tours d'angle du château, vestige de l'époque féodale, une photo un peu pliée par le temps, mais toujours aussi transparente et dure comme le cristal.

A vrai dire la seule vision valable sur internet nous est donnée par l'image satellite, point de vue lointain et indifférent qui remet tout sur le même plan, valorisant l'ensemble dans ses justes proportions, en effaçant à ras du sol les points de vue des désirs particuliers, jusqu'à mettre à égalité ceux des débuts comme des fins. Alors là il n'y a vraiment plus de pourquoi. On va pouvoir mettre le doigt dessus, sur ces choses qui nous intéressent vraiment.

Regarde donc en bas à gauche, à l'emplacement du château. Passée la route du village commence la Grande Allée. En agrandissant au maximum la vue satellite on distingue très bien en son début les bornes qui dessinent un arc de cercle. L'arc dont je parlais d'où jaillit la flèche. Maintenant observe dans la continuité ce grand trait boisé, parfaitement rectiligne, qui traverse de bas en haut et en diagonale l'ensemble du territoire. On est étonné par rapport aux lignes du château, de sa longueur invraisemblable. Et tout ça pour rien ! Même pas de but. La pensée de Nabokov : "Quelle flèche vole à jamais ? Celle qui s'est fichée au but.", ici nous paraît mièvre. Il n'y a rien de zen ni de spirituel, ni même de cupidonesque, dans cette affaire. C'est juste le geste puissant, raide comme un jet de foutre d'aristocrate, invisible d'en bas, commandé par l'ancêtre à son architecte, pour dominer son monde en prolongeant la beauté inutile et gratuite de la perspective. Ainsi les générations suivantes admirerons depuis la fenêtre de la chambre nuptiale, idéalement dans l'axe, leur perversion secrète, cette ligne d'ensemencement du pouvoir de père en fils. Ils imagineront aussi avec délice la longue liste des petits bâtards, produits des amours ancillaires dans les siècles derrière tous les bosquets de la grande allée. Salauds de nobles ! Même la Révolution les a épargnés. C'est dire la puissante fascination qu’exerçait aussi le pouvoir sur les paysans qui ont entretenu consciencieusement l'allée sans savoir.

Dès lors nous allons redescendre sur terre. Je t'avoue que le spectacle de la noblesse ne m'intéresse guère. J'ai seulement voulu par ce biais désorienter ton regard, afin que plus tard dans notre promenade, émerge devant tes yeux le trou à la fois horizontal et vertical de la métaphysique. Et que dans ses profondeurs se dévoile notre véritable sujet, l'ontologie du "chemin perdu".

Maintenant je te laisse le soin de la réflexion, pour la suite on verra demain. S'il te plaît, épargne moi le like qui ne sera pas suffisant. Si cela t'intéresse, fais un petit effort pour partager un peu plus que ton sentiment.

Au plaisir de te lire,
albert

 


      Rien et moins-que-rien

Tu n'es qu'un moins-que-rien !
Oui, mais j'ai du potentiel.

 

 

 

 

 

 

 

   A suivre...............