L'assemblage

Finalement, qu'importe l'événement, c'est l'assemblage qui compte.

Voici une réflexion intéressante sur Rodin, le premier grand assembleur moderne, par Vincent Baudoux, sur le site www.mu-inthecity.com, et dont je cite ici quelques extraits :

"Par le scandale qu’il suscite en 1877, L’Âge d’airain apporte à Rodin la notoriété, la gloire et donc les commandes. Scandale parce que l’œuvre est si parfaite que l’on accuse son auteur d’avoir réalisé un simple moulage, peut-être sur un cadavre..."

"Rodin agit tout autrement, greffant l’un sur l’autre des éléments provenant de corps étrangers, l’avant-bras d’ici, une épaule d’ailleurs, une main d’ailleurs encore, puis les doigts, etc., tout en ne respectant pas la symétrie des membres gauche et droit. Et ainsi de suite pour toutes les parties du corps, tête comprise. Il en ressort une espèce de patchwork anatomique dont nous avons pourtant peu conscience puisque notre cerveau, éduqué à la cohérence, rectifie de lui-même,..."

"Afin de gagner en productivité, Rodin s’est constitué un stock immense de moulages de toutes les parties du corps, des morceaux interchangeables destinés à l’assemblage, dans lequel il n’a qu’à puiser, puis adoucir l’ensemble afin que le tour de passe-passe ne se remarque pas. Il en ira tout autrement avec Les Demoiselles d’Avignon, peintes par Picasso en 1907, qui établit les fondements de ce qui deviendra le cubisme. Les dates sont significatives, car le jeune peintre vient de s’établir à Paris. On sait l’intelligence de l’Espagnol à saisir plus vite, et mieux, le sens des recherches dans lesquelles barbotent encore ses confrères. Il est donc probable que sa perspicacité lui ait fait comprendre les avancées potentielles que Rodin offre à l’art de son temps. Avec Les Demoiselles d’Avignon, Picasso reprend à son compte les inventions de son aîné (mais pas seulement, il est vrai, tant il pirate plusieurs sources), en exposant de manière ostentatoire le processus d’emboîtements hétéroclites que son prédécesseur s’évertue à dissimuler..."

A propos de l'assemblage lui même, dont on comprend qu'il devient ici le seul sujet, je pense qu'il s'agit du moteur principal de l'imaginaire, offrant par toutes les opportunités du hasard, une évacuation du sens premier de l'image, malgré l'irréductibilité de ses éléments, au bénéfice d'une incompréhensible harmonie.