Nils Detourney

"Le pays des chats perdus"

Nils Detournay vend des livres ouverts.

C'est suicidaire de se frotter à Proust...

Marcel Proust a vécu dans un jardin unique et impressionniste. Mon jardin était en deux parties, séparées par une grande treille. La première partie possédait tout ce qu'il fallait pour un jardin civilisé. Une fontaine, un bassin, une volière, une petite maison sur le coté. Des arbres de Judée centenaires dont un, à lui seul excitait l'imaginaire. Son torse et ses épaules étaient profondément enfoncés dans le sol. A partir du nombril sa taille émergeait penchée suivie par de très longues jambes que l'on pouvait facilement escalader. Tout en haut les enfants admiraient la vue, et surtout par dessus la treille l'autre partie du jardin qui finissait inexploré. Ils en avaient peur.
Un soir mon fils, trop souvent pris de colères incontrôlables, je le sortis de la maison et l'entraînai vers la treille.
- Où tu vas ?
- Dans "Le pays des gros chats"
Il fallu le traîner, après le tirer par les pieds, pauvre petit qui s'accrochait en hurlant à tout ce qu'il pouvait. Au bout d'un moment, là où les lianes de la vigne vierge commencent à étouffer les lilas les pliant sous une sombre canopée, on distinguait les entrées de deux ou trois tunnels. Ils l'ont rendu muet de frayeur. Sur le chemin, je continuais un peu et il s'est jeté dans mes bras. Ils revinrent tranquillement. Il n'y avait plus de colère. Pauvre colère perdue. Elle frissonne encore et se venge dans les rêves.