État de Nature

Oh ! Un jardin botanique !!  Mais retourné à l'état de nature. On a même rapporté que des choux à demi sauvages, échappés de leur enclos, ont attaqué des voyageurs, excités par leurs cris. Bio ! Bioo !

    Conversation

Inspirée du tableau du même nom, par Henri matisse :


    Conversation sur Facebook :

Gilles Desrozier
Et l'ombre de l'homme danse dans la ronde des pierres.

Albert Lemoine
Gilles Desrozier Yes! Merci, c'est très gentil de commenter. Le regard du poète est toujours fructueux. Justement l'ombre dont tu parles est assez statique. J'avais commencé à partir d'elle et de même, inspiré par le tableau de Henri Matisse, "La Conversation", d'où le titre. Mais je me demandais comment j'allais faire sortir Matisse dans le jardin ? Je ne me suis plus posé de question car rapidement les photos ajustées imposèrent leur propre dynamique interne, me laissant en plan, les fleurs, les choux, etc... se mirent à courir partout.

Gilles Desrozier
Albert Lemoine Oui, il y a quelque chose de Bonnard aussi dans cette image.

Albert Lemoine
Gilles Desrozier Tu vas me dire, ça commence à être un peu tiré par les cheveux, mais pour Bonnard, ce ne sont sûrement pas les couleurs, les siennes étaient géniales, ici avec cette lumière d'automne c'est moche, on fait avec. Par contre je vois très bien le rapprochement par le traitement de l'espace et la verticalité de la perspective. Il basculait souvent son premier plan afin que dans la baignoire on puisse voir en entier le corps du modèle. Dans la photographie, ce basculement du premier plan est inhérent à tout assemblage de forte amplitude.

Gilles Desrozier
Albert Lemoine Tout à fait. Mais je parlais surtout de son travail photographique. Tu prends dans les mêmes angles.

Albert Lemoine
Gilles Desrozier Sans doute, d'ailleurs tu fais bien de rappeler le Bonnard photographe, accordant avec d'autres artistes de son époque, la photographie pour ses premiers pas dans l'art. On s'extasie devant les pionniers de la photographie, n'empêche ils sont tous un peu rigides et grandiloquents devant les artistes photographes, les impressionnistes et autres d'avant garde, qui eux savaient vraiment exprimer la vie.

Gilles Desrozier
Je pense que le premier grand peintre a avoir utilisé la photographie (la camera obscura pour les perspectives), c'est Pieter de Hooch. Evidemment, il ne fixait pas l'image mais il se servait de la chambre pour tracer ses perspectives, toujours parfaites.

Albert Lemoine
Gilles Desrozier Chez Pieter de Hooch on la sent la perfection dans toutes ces petites scènes quasi intimistes, sinon fixées, rigidifiées à jamais sur la toile de la perspective. C'est bizarre que tu fasses intervenir cette propriété de la photographie, en tant qu'outil optique parfait pour "l'Oeil du prince" offrant un point de vue unique sans déformation. Alors que la vie, c'est tout le contraire, sa vitalité provient de ses défauts ses erreurs et tous les chemins de traverse qu'elle peut emprunter.

Gilles Desrozier
Albert Lemoine Je pense cela : pour que le rendu soit porteur d'imaginaire chez le visionneur, il faut se baser sur une technique parfaite (aussi parce que plus plus la technique est maîtrisée, plus on réalise vite). Cela falicite les "arrangements" avec la réalité...
Regarde Ingres et la vertébre en plus sur la belle odalisque.

Albert Lemoine
Gilles Desrozier Oui, bien sûr une technique se doit d'être parfaite et d'une eau transparente afin de laisser libre court au flot puissant de l'imaginaire. Maintenant on va bien se comprendre sur le sens de cette transparence puisqu'on utilise la même technique, au moins sur le principe. Tu pratiques la surimpression en photographie, comme moi je le faisais aussi quand l'ordinateur n'existait pas. On sait à quel point cette notion de transparence est importante. Pour la technique tout autant que pour le visionnaire qui se doit de disparaître à lui même pour mieux laisser passer le flux de son imaginaire. Cette deuxième notion de la transparence est étrange et paradoxale. Comment se maîtriser puisqu'on est plus là pour le faire ? En fait je l'avais appris naturellement en utilisant la technique de la surimpression à la prise de vue. C'est par définition un travail en aveugle, or rien de mieux qu'un aveugle pour laisser voir l'imaginaire, n'est-ce pas.
Par la suite, avec l'ordinateur qui est une véritable plaie, on voit tout, j'ai donc tout désappris. Aujourd'hui, heureusement que j'ai eu cet entrainement ancien à la base, il revient petit à petit.
De ton coté je suis sûr que tu pourrais parler du même genre d'expérience, j'en suis même certain, car tu as la chance d'être à la fois poète et photographe, et l'un doit apprendre à l'autre.

Gilles Desrozier
Albert Lemoine Un aveugle ne voit pas devant lui, il voit En lui. C'est la métaphore du soleil aveuglant chez Van Gogh. Le monde imaginaire prend la plus grande place. Les fameux modèles sans yeux de Modigliani...

Albert Lemoine
Gilles Desrozier On pourrait continuer longtemps, cette conversation est passionnante, j'apprécie les exemples que tu donnes, qui ne sont pas immédiats pour moi, d'où leur intérêt, les yeux de Modigliani... Mais il arrive un moment où, arrivés à ce stade du partage, d'accord sur l'essentiel, force est de constater que l'essentiel se trouve en nous, là on est seul. Ce n'est pas à cause du solipsisme, mais de la fatalité de notre époque qui a perdu son âme. Heureusement mon pessimisme est contredit par le poète, que je préfère autant que le photographe, donc je te cite :

"Si le désire de voir t'obsède, devient aveugle.
Si tu trouves ce monde obscène, tombe amoureux.
Après la nuit des temps, le jour se lève."