Accès au chantier des grandes profondeurs

Précision sur le sens d'accès :

Plus qu'hier moins que demain. Hier, j'ai débuté un projet à partir de nouvelles prises de vues du chantier qui se trouve juste devant chez moi. C'est très pratique, je n'ai qu'à descendre les escaliers, et faire trois pas pour m'enfoncer dans la grotte de l'imaginaire.

Le temps au beau fixe avait conservé un peu du givre de la nuit, un coffret d'où scintillaient mille soleils. Attiré par leur éclat, j'entamai la série des prises de vue juste à mes pieds. Ensuite le mouvement de mes yeux comme par l'effet d'une centrifugeuse m'a projeté dans la spirale orbitale des profondeurs. Un coup de pied instantané après une éternité me ramena à la surface. Le temps est relatif à l'intérêt qu'on lui porte. A ce moment là, pouvant chanter à nouveau l'air de mon opéra familier je m'agrippai à la barque pour y défaire ma combinaison de scaphandrier.

Cette description du travail du photographe des grandes profondeurs semble ignorer le passé et la nécessité du temps de la prise de vue des nombreuses photos de l'assemblage futur, occultant dans l'action toute forme de causalité pour ne montrer qu'un présent doué d'ubiquité. C'est le cadeau offert au photographe dès qu'il arrive dans la contrée de l'imaginaire.

Au retour retourné comme un gant, je laissais mon esprit sécher sur mon fidèle majordome albert. Vous savez, de ceux qu'on trouve très facilement aujourd'hui pour pas cher, sur des sites de vente décrivant avec précision leurs fonctionnalités, adaptées à tous les besoins (voir photo). Ne vous étonnez pas après que mes propres descriptions paraissent alambiquées, cela fait partie de l'air du temps.

Tiens, justement "L'air du temps". Excusez-moi, j'ai l'esprit d'escalier alors que j'ai passé ma journée à monter et descendre sur la vaste plaine du présent. Donc, éteignant la radio qui diffuse en boucle d'imbéciles musiques d'ascenseur, je m'attelais à mon travail de géomètre ancien (géomancien), afin de tracer les lignes du territoire exploré, essayant de leur conserver une droiture digne du silence des grandes profondeurs. Mon monitoring ambulatoire affectant un signal plat idoine, tout allait bien. 

Cette image du chantier présentée sur Facebook n'est même pas le début de l'aventure, seulement son accès. Après un premier tour d'horizon, les deux pieds bien à plat sur le seuil, maintenant je me prépare à sauter. Quand j'en aurais fini du déploiement de cette vision intérieure sur les parois de la caverne, je publierais à nouveau dans le monde le résultat d'une expérience que j'espère fidèle à la réalité. Juste augmentée de la seule qualité qui compte, dans ce monde comme dans l'autre, c'est le cas de le dire, l'ubiquité.




Le dedans et le dehors

Sur Facebook avec Simon Ortner  le 03 novembre 2024

Bonjour Simon,
Finalement les limites du cadre n'ont guère d'importance quand tout se passe dedans. Une idée qui paradoxalement pourrait correspondre avec l'art de Jackson Pollock dans la mesure où dans cet art la limite entre le dedans et le dehors n'est pas importante, ce qui compte c'est avant tout l'action painting. Chez toi, excuse le néologisme, on dirait plutôt le "cerebral painting" "cerebral" rimant avec brutal, une brute cérébrale quoi ! Ça c'est de la vraie action painting, quand on ne finasse plus, on y va. Pourtant, par rapport à ce que je disais précédemment, je pense que Pollock n'aurait pas été très content de la comparaison avec l'idée de ton art, lui qui visait par l'action painting aussi le "all over". Mais au fond pourquoi toujours vouloir aller ailleurs alors qu'on est si bien chez soi ?

Simon Ortner
Albert Lemoine bonjour Albert, merci pour ton commentaire. Ce matin j’ai commencé à peindre sur papier.J’aime bien cette matière et la liberté que permet ce support. Tout est très rapide et un peu plus libre, quoique…
Je crois que oui ma peinture est assez cérébral malgré tout l’effort que j’emploi à vouloir la simplifier.
L’action est importante dans la prise de décision, la composition, c’est un jeu d’équilibre ou de déséquilibre pas facile.
Je vais réfléchir à tout cela
Heureusement qu’il y a la musique pour nous aider ��
Amitiés

Simon Ortner
Loin de moi l'idée d'associer le cérébral avec le compliqué. Au contraire, quand on est cérébral la principale qualité est de rester simple, ce que tu fais très bien, je dirais même parfaitement. La qualité de ton esthétique tient essentiellement à cela.
En fait j'ai écrit ce texte, assez obscur je l'avoue, en rapport avec ton dessin, mais aussi en relation avec un autre texte, que je voudrais maintenant citer. Tous les deux sont obscurs mais pourront s'éclairer l'un l'autre, car ils traitent du même sujet, le dedans et le dehors.
Il s'agit d'un extrait, dans une transcription d'un cours de Deleuze sur le Cinéma Pensée :
" Quand le dehors se creuse et attire l'intériorité : c'est ça la pensée, ou du moins c'est ça notre pensée. Notre pensée, c'est quand le dehors se creuse et attire l'intériorité. Qu'est-ce qui se passe ? On risque d'y passer dans ce dehors, hein, c'est terrible - vous comprenez là, ça va, il n'y a pas de problème ? "
Cours du 20-11-1984

L'or parieur