
Dimensions : 188 x 127 cm
Barbare
Je ne possède plus la magie des apparitions comme au temps
de la surimpression argentique à la prise de vue. Je ne suis plus aveugle.
Devant l'écran on voit tout. Un terrible handicap. Avant, dans la parabole
j'étais l'aveugle et la photographie le paralytique. Guéri de ma cécité,
la photographie m'a abandonné. Elle a été remplacée par des histoires
racontées pendant le processus à l'écran afin de donner du sens à ce
qui vient. Mais je ne maîtrise pas la langue, j'entends par là non pas la
langue des images que je possède et qui ne me sert à rien, mais celle
des apparitions. Pour cela j'ai été aidé par mon ami le poète Yves
Jouan.
Dans son recueil "Juste là", ce
poème m'a beaucoup impressionné :
#
Eaux
Air
traversé de plumes
Portes ouvertes sur
Ce qu'à enfermer on laisse
secrètement mugir
#
Yves Jouan - Juste là - Ed. Dumerchez - p.65
Les barbares maintenant avancent en moi depuis que j'ai entendu leur mugissement
dans "Juste là". Mon interprétation est sûrement fausse. Il n'y a pas de barbares tenus
au secret, il s'agit d'autre chose. C'est peut-être le secret lui même qui mugit. Comme
je n'ai pas la clef, j'ai fait apparaître le barbarisme d'un mot que je ne connais pas.
Le poète étant venu me rendre visite dernièrement, je lui ai demandé d'écrire un petit
mot à son recueil, en rapport avec les barbares. J'aurais eu mieux fait de lui dire
innocemment, dessine-moi un barbare. Il m'a gentiment renvoyé à sa poésie,
l'accompagnant d'une dédicace où "ce Juste là, cet ensemble de mots, ces textes
aussi posés que des nuages et qui, comme eux, avancent. Jusqu'en nous, parfois".
|