Esthétique de l'anarchie

En reprenant mon thème favori des nuages, si malléable, j'ai voulu cette fois faire table rase de tous les effets que j'utilisais avant pour obtenir l'harmonie. En deux mots : Construire tout en déconstruisant. Ce parti-pris n'est pas du tout évident car, quoi qu'il arrive, les formes comme les fonds, entrechoqués, absurdes, se recomposent d'eux même grâce à une puissance intérieure vers une harmonie étrange et insoupçonnée, celle de l'anarchie.

Une définition de l'anarchie :
"A la fin de la civilisation, l'anarchie aura détruit les relations, isolant les êtres dans le sentiment de leur toute-puissance. Cela concerne les gouvernements autant que les hommes ainsi que toutes formes de représentation."
Cette citation pourrait venir de Schopenhauer, oui, elle lui convient très bien.

   La pertinence du chaos

Dans Facebook :

OuLiPo.. ou pas
Nils Detournay . 15h .
être ou ne pas être
( ~ inédit selon Google ~ )

attendu comme le chaos

08.08.23 - Hypertexte
Hypertexte
15h .

La pertinence du chaos

Elle est gênante cette phrase, "attendu comme le chaos", elle me met mal à l'aise. De loin en l'apercevant son énoncé annonce la couleur mais plus on se rapproche plus le sens se fragmente et se délite dans la polysémie. Cela ressemble à : "the creepiest image generated by BigGAN", que j'ai montrée dans un précédent post, avec les miennes. Depuis quelque temps je suis très intéressé par ces images ou ces phrases, au fond c'est la même chose, et surtout chez elles, par "Ce que cela montre". J'ai l'habitude de la construction des images, qui remonte à loin, et petit à petit d'en avoir perfectionné, non pas leur sens mélangé au non-sens, mais plutôt les contours, les limites du domaine chez elles où se génère le chaos.

Pour les phrases c'est beaucoup plus récent, je suis encore un néophyte mais heureusement j'ai comme modèle ce cher Nils Detournay, expert en la matière, qui en plus a le mérite de dépasser souvent le simple exercice de style à la Raymond Queneau, pour stimuler et orienter de façon pertinente nos interrogations produites par le chaos.

A propos des images générées par BigGAN, elles ont très positivement modifié le sens, la direction de mes recherches, afin de trouver et formuler une définition valable au sujet de "Ce que cela montre". Et en tant que créateur, "Ce que je montre". Longtemps le sujet des photographies a été la photographie elle même. Mais au bout d'un moment on se rend compte que tout ce que l'on peut raconter, tout ce que l'on peut montrer, au fond la photographie, elle, cela ne la regarde pas, elle reste indifférente. L'aventure à la fin s'avère un peu stérile, comme beaucoup de choses dans l'art contemporain. Le seul mérite de l'art contemporain est d'avoir ouvert de nouveaux domaines pour l'art, mais ensuite une fois dedans, les créateurs débrouillez-vous pour ne pas être des suiveurs, mais à partir de là, continuez à créer de nouveaux domaines et ainsi de suite. C'est comme cela que l'art progresse.

Que ce soit dans les images où dans le texte, on est confronté à ce dilemme récurrent, (Encore un terme thème cher à OuLiPo) : La difficulté du choix dans le couple sens/non-sens, pour ce qui prendra le plus d'importance, en sachant que irrémédiablement l'un va annuler l'autre. L'idéal serait de trouver une harmonie, un parfait équilibre de telle sorte que Sens et Non-sens engendrent un enfant, une petite chose toute fraiche et indépendante. Le créateur ainsi s'abandonnera à sa création, pour apprendre d'elle la meilleure façon de la faire grandir, entre liberté et éducation.

Pour conclure sur le thème : l'image le texte c'est le même, il s'agit pour les deux de construire le chaos, et d'améliorer sans cesse, comme pour une étoile sa brillance, ici la pertinence du chaos.

Ou, dans les images obtenir une claire "figuration du rien", dans les textes, tout comme la rose n'a pas de pourquoi, laisser s'épanouir la fleur et le poète.

    Un chaos impertinent

Un chaos impertinent

Nils Detournay : c'est pertinent

albert lemoine
Cela coule de source, et à l'origine du titre : "La pertinence du chaos". Mais là c'est plus évocateur, pour une image du chaos qui ne soit pas un auto-portrait. D'ailleurs cette image n'existe pas encore mais c'est déjà pas mal d'en avoir trouvé le titre.

    Vérité anarchique

Je pense, donc je suis
Je crois, donc j'ai raison

Le problème avec ce genre d'assertion est que dans les deux cas la vérité est partie, elle est cachée au fond du puits. La vérité est nue, il faudrait creuser longtemps pour aller la chercher. Car depuis le puits comblé elle nous regarde effrayée de toutes les connaissances qui l'ont recouverte du poids de la certitude.
Il est très facile de démonter ces occurrences, déjà rien qu'en épluchant la peau du langage.
Pour la première, le "je" du je suis n'est pas le même que le "je" du je pense. Il y a une différence de nature ontologique. De nombreuses philosophies ensuite ont manié la pelle pour essayer de déblayer cette erreur. Elles auraient eu bien mieux à faire que de démontrer le contraire se plaçant elles mêmes en porte-à-faux. On arrive à la fin d'une civilisation où il ne reste plus que les poètes capables de penser en même temps que d'être. Malheureusement ils sont trop occupés à ne pas crever de faim.
Pour la deuxième c'est encore plus simple : Je crois donc j'ai raison, donc je raisonne, et plus je tape fort plus ça résonne. Le problème ne vient pas tant du coup de gourdin qui t'étoile mais, avant de sombrer dans l'inconscience nous avoir fait penser que la raison était liée à la connaissance. Ce n'est plus une question d'ontologie mais simplement de bon sens. Alors à la fin de la civilisation, arrivés au bord du gouffre il ne nous reste plus qu'à sauter. Pas une pirouette comme celle de la science et son saut quantique mais plonger véritablement pour disparaître dans l'inconnu. Personne ne verra cette prouesse, à moins qu'on ne le lui dise. Mais n'entends-tu pas du fin fond de l'infini une étrange harmonie ? Tu n'as plus besoin de faire la part des choses puisqu'elle résonne en toutes choses. Il te reste tant à faire avant que d'accepter à tes oreilles ce seul chant : Anarchie vaincra !