A.C Mirage

   

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Jean-Flavien Piquemal
Superbe et j’aime bien le mec qui joue aux boules alors que ces potes communistes chassent le papillon 


Albert Lemoine
Salut Jean-Flavien,
Ah, si seulement le scénario avait pris cette tournure, l'image aurait été bien meilleure. C'est possible, tout est possible. Au lieu de lancer une fléchette Berseker sur l'un des soldats pour le rendre fou et le forcer à zigouiller son pote, j'aurais dû lancer le cochonnet. Un joli petit cochon grillé avec encore des traces de rose, une gueule grosse comme un Jérôme Bosch, qui aurait tout avalé. Mais que veux-tu, ici j'avais le souci du réalisme et de la grâce quasi nuptiale des giclures de sang.

Je pourrais raconter le scénario en entier, la stratégie et les tactiques de combat dans le déroulé de cette mise en scène, mais ce n'est pas très intéressant. Car ne reste à la fin qu'une image fixe, comme un multiple d'arrêts sur image. Je voulais surtout que la transcription du mouvement soit naturelle malgré la totale invraisemblance de l'ensemble ; les proportions impossibles des personnages et les giclures de steak qui volent comme des papillons. En photographie, entre le vraisemblable et l'invraisemblable j'aime beaucoup tendre l'élastique. Dans une autre image je l'aurais fait péter volontiers mais pas dans celle-ci. Cela fait partie de mon esthétique, c'est un peu du snobisme, comme un dandy qui s'habille avec des tee-shirts Armani. Faire prendre des vessies pour des lanternes et montrer ainsi en toute discrétion l'immense pouvoir de persuasion de la Photographie, cela fonctionne d'autant mieux dans le contexte d'un jeu vidéo. On accepte facilement et on y voit rien.

Par ailleurs, comme je le dis souvent, l'espace photographique du jeu vidéo est rigoureusement le même que celui de la réalité. Une scène de guerre dans ce style ce serait trop rigolo et au moins pas d'hypocrisie, le total cynisme qui se cache souvent dans ce genre d'image serait clairement déclaré. Mais je ne suis pas photographe de guerre. D'autre part on est plus dans la véracité des photographies des années 70. Aujourd'hui, avec en plus l'aide de l'IA, esthétiser la souffrance et la guerre je trouverais cela parfaitement dégueulasse. Bien sûr je pourrais me contenter d'une rixe de drogue en banlieue, mais là je me prendrais trop facilement un coup de couteau. Banalisation du mal à outrance, je préfère encore en rendre compte dans un jeu vidéo. Mes pauvres enfants qui y jouez toute la journée, je vous plains.